Un voile blanc sur l'Anatolie
Bonjour a tous! Meraba!
Tout d’abord merci beaucoup pour toutes les cartes de vœux et gentils mails et SMS que nous avons reçus pour Noel et cette nouvelle année ! Croyez bien que nous les avons savourés ! Nous avons malheureusement trop peu d’occasions d’accès à internet pour répondre à chacun, mais nous compensons en pensant à vous sur le chemin ! Nous vous souhaitons à tous également une très belle année 2012. Puisse-t-elle vous faire grandir dans la paix, la joie, et la confiance en la providence!
Nous avons choisi l’aube de cette nouvelle année pour repartir d’Istanbul. 1er janvier au matin. La ville baignée de soleil semble vide ce lendemain de fête et nous assistons à la messe comme en secret, au milieu d’une poignée de fidèles. Le père Gwenolé Jeusset, qui ces derniers jours nous a parlé de l’Islam et de son avenir avec tant de paix et de confiance, reprend les paroles de Saint François d’Assise pour nous bénir : « Que le Seigneur te bénisse et te garde ! Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage, qu’il se penche vers toi et qu’il t’apporte la paix ». Alors, heureux et prêts, nous disons au-revoir tout à la fois cette dernière sentinelle chrétienne et à l’Europe.
Istanbul est aussi gigantesque à la sortie qu’à l’entrée. Nous mettons plus de 3 jours, en longeant la mer de Marmara, à nous extraire des tentacules de la pieuvre, traversant tour à tour quartiers chics, chantiers navals, zones industrielles fumantes et usines nauséabondes. Pas d’autre choix que longer la route, dans le bruit et les gaz des voitures et des camions. C’est éprouvant, on marche l’un devant l’autre, en serrant les dents, et en s’enfermant dans nos pensées, d’Anatolie, de paysages immenses et magnifiques, de sens des religions, d’émerveillement de l’hospitalité des turcs, de tristesse d’entendre les nouvelles sur la Syrie, et parfois aussi, de la France, d’imagination de ce que sera notre chez nous, de ce que vivent au même moment ceux qui nous sont chers.
Après quelques derniers jours de beau temps, la pluie s’installe. Autre épreuve, on est trempés, on a froid, on se fait régulièrement éclabousser par les camions qui passent, et régulièrement, on s’énerve !
Puis doucement, on sort de l’agitation, la campagne revient, les sommets enneigés se profilent, on prend de l’altitude. En quelques heures, nous voilà hissés à 1000 mètres sur le plateau anatolien, cette étendue gigantesque de plaines et de montagnes, sauvage, belle, mais froide et peuplée parait-il de chiens effrayants, dont nous ne redescendrons qu’à Adana, tout au sud du pays, dans plus d’un mois. Le 9 janvier, c’est la neige qui se met à tomber. Pour nous c’est presque une délivrance. On nous mettait tant en garde contre elle depuis la Croatie en octobre ! Pas si terrible finalement, c’est plutôt reposant même. Elle nous mouille moins que la pluie, rend le paysage féerique, et installe une atmosphère paisible et sereine. Plus les kilomètres passent, plus nous nous enfonçons dans des paysages désertiques. Parfois, au détour d’un virage, après une montée, on se retrouve devant une immensité immaculée, sur laquelle la route ressemble à un trait d’encre de chine. Rien de rien à 180° devant nous, sauf parfois une station-service improbable. C’est un far-west blanc.
Dans ce décor et sous la neige, nous prévoyons nos étapes avec soin, en nous renseignant sur les villages et les distances qui les séparent. C’est toujours un soulagement de voir pointer au loin le minaret attendu, car on sait alors qu’on passera une nuit au chaud. En Turquie, nous n’avons jamais la moindre inquiétude sur le fait qu’on trouvera un toit pour dormir, si petit le village soit-il. L’hospitalité est inscrite dans les gènes et le cœur des trucs. Souvent, naturellement, on va frapper à la porte du muthar (le maire), ou bien on s’adresse au hodja (l’imam), et très vite, on se sent pris en charge par la personne à laquelle on s’adresse. Il y a ici un mot magique : le mot « misafir » qui veut dire « invité, hôte ». Dès qu’il est prononcé, on sait que l’on va être traité comme des princes. On nous invite à enlever nos chaussures, on nous offre des chaussons de laine, nous fait assoir en tailleur dans une pièce recouverte de tapis, et on nous sert du thé qui est chauffe continuellement sur le gros poêle à bois du milieu de la pièce. Cet accueil turc nous marque profondément, car il est souvent total et donné sans rien attendre en retour. Quand on leur dit que nous en sommes touchés, ils nous répondent « ben tesekurler », « c’est moi qui te remercie », car pour eux, donner l’hospitalité est une occasion importante de plaire à Allah, c’est écrit dans le Coran. C’est étonnant car les musulmans ne parlent jamais d’amour du prochain, et pourtant tout ce qu’ils font y ressemble tant...
Nous sommes à Ankara depuis 3 jours. Merci les Villemain pour votre accueil si simple et chaleureux qui nous permet de reprendre des forces ! Ici, au chaud dans une famille française expatriée, on se remémore avec amusement tous les gites qu’on a trouvés depuis notre entrée en Turquie, tous un peu rocambolesques et épiques : Yusuf notre marchand de magnifiques tapis d’Hereke, à plus de 10 000$ pièce, le foyer de SDF d’Izmit, le maire polygame chez qui nous avons assisté à une leçon de coran pour les 40 femmes du village, la caserne de pompiers au milieu du désert, les tenanciers de kebab, l’école coranique, Ozge et sa maman artiste dans une charmante maison au bord d’un lac, les bureaux des maires, et d’innombrables familles d’imams, de mutars et de paysans !!
Nous repartons demain, avec des températures qui s’annoncent plus clémentes que les -11° d’aujourd’hui… cap sur la Cappadoce !!!
Nous vous embrassons bien fort !
Louis et Marie, heureux, en forme, et prêts à braver le froid !