Notre cité se trouve dans les Cieux...
Ce matin, quand le soleil nous réveille, nous avons le coeur serré. Nous sommes mardi Saint, le 3 avril, et c'est le dernier matin. Ce soir, la ville sainte pour laquelle nous marchons depuis huit mois sera sous nos yeux, et notre vie de nomades cessera. On se sent profondément heureux, et tristes à la fois.
Comme pour nous aider, le théatre naturel au milieu duquel nous nous levons est l'un des plus beaux que nous ayions vu depuis notre départ: nous sommes installés a l'ombre de deux palmiers, au fond d'un wadi profond, et au dessus de nos têtes, le mystérieux monastère Saint Georges est comme suspendu à la paroi jaune-ocre.
Et puis aujourd'hui, nous avons un beau cadeau: le Père Marc-Olivier, avec qui un cousin bienveillant nous a mis en relation, nous a fixé un rendez-vous ce matin au monastère, pour accompagner nos derniers pas. Il sera notre passeur vers Jérusalem, nous n'aurons qu'a nous laisser guider!
Nous partons donc à trois à l'assaut du Wadi Qelt, un sillon profond dans le désert de Judée que les pluies abondantes du mois dernier ont transformé en un petit paradis terrestre: on respire a plein nez les odeurs des lys des champs et des lauriers en fleur, on se fraie un passage à travers les roseaux, on plonge nos mains dans les ruisseaux d'eau claire, on caresse des yeux la cime des palmiers qui dodelinent dans le vent léger. La douceur de cette journée et l'explosion éphémère de couleurs ont déjà un petit air de résurrection! De wadi en wadi, nous progressons donc dix heures durant vers la terrestre Jérusalem.
Alors que le soir tombe, nous rejoignons sur une ligne de crête une voie romaine oubliée, probablement empruntée par Jésus lors de sa derniere remontée vers la ville. Au loin sous le soleil couchant se découpe la silhouette du mont des oliviers. Le père ouvre sa Bible et nous relit les textes d'Isaïe:
Au sommet, le Père nous dit: "Maintenant, c'est le moment, vous pouvez chanter, dans quelques instants vous allez voir la ville!" Sans tellement réfléchir, nous entonnons donc un "Je vous salue Marie", quand au detour d'un virage elle se dévoile: Jérusalem! Le souffle coupé, nous la regardons en silence pendant de longues minutes. C'est bien elle: la muraille interminable, les douze portes, le dome du rocher, les flèches et les coupoles... Ce panorama que nous avons vu en poster chez tant de prêtres, de popes et d'imams rencontrés sur le chemin, le voici sous nos yeux. Et dans le calme de la nuit, la cité nous parait majestueuse et éternelle.
Nous sommes émus devant la ville choisie par Dieu, la ville dans laquelle Il s'est incarné, a souffert sa passion par amour pour nous et est ressuscité. Et c'est la ville pour laquelle "Il nous a fait marcher" comme nous l'avait dit ironiquement un prêtre sur le chemin...
Alléluia!